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Travail pendant les arrêts maladie ou le congé de maternité : droit à réparation mais pas à un rappel de salaire

La Cour de cassation considère qu’une salariée qui a été amenée à travailler pendant un congé de maternité ou un arrêt maladie n’a droit qu’à des dommages et intérêts. Elle ne peut pas obtenir de rappels de salaire, dans la mesure où l’on est en présence d’un manquement de l’employeur à ses obligations, qui relève à ce titre de la responsabilité civile contractuelle.

 

Par trois récentes jurisprudences, la Cour de cassation approuve trois nouvelles situations ouvrant droit à réparation automatique :

 

  • non-respect du temps de pause quotidien (Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°23-15.944) ;
  • employeur qui fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie (Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°23-15.944),
  • ou employeur qui fait travailler une salariée durant le congé maternité (Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°22-16.129).

Il est interdit d’employer une salariée pendant une période de 8 semaines au total avant et après son accouchement et dans les 6 semaines qui suivent son accouchement, sous peine pour l’employeur d’encourir une sanction pénale en cas de manquement (c. trav. art. L. 1225-29 et R. 1227-6).

 

Quant à la salariée, son contrat de travail est suspendu durant son congé de maternité et elle peut bénéficier d’indemnités journalières de sécurité sociale, « à condition de cesser tout travail salarié durant la période d’indemnisation et au moins pendant 8 semaines » (c. séc. soc. art. L. 331-3). La salariée qui méconnaît cette disposition peut être contrainte de rembourser les indemnités journalières qui lui ont été versées (Cass. civ., 2e ch., 17 janvier 2008, n° 06-14082 D).

 

Selon la même logique, un salarié ne doit pas travailler durant son arrêt maladie, sous peine, là encore, de devoir rembourser à la CPAM les indemnités journalières indûment perçues, l’employeur pouvant ensuite être condamné à dédommager le salarié à hauteur de ce montant (c. séc. soc. art. L. 323-6 ; Cass. soc. 21 novembre 2012, n° 11-23009 D).

 

Dans deux nouveaux arrêts du 4 septembre 2024 publiés au Bulletin (Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°23-15.944 ; Cass. Soc., 4 septembre 2024, n°22-16.129), la Cour de cassation élargit les cas de préjudice nécessairement causé au salarié, les seuls manquements de l’employeur lui ouvrant alors droit à réparation et à l’octroi de dommages et intérêts.

 

Un arrêt du 2 octobre 2024 (Cass. soc. 2 octobre 2024, n° 23-11582 FSB (2e moyen, 2e et 3e branche)) complète cette jurisprudence et précise qu’il n’y a pas d’autre voie de recours contre l’employeur que l’action en dommages et intérêts.

 

1) Arrêt du 4 septembre 2024 – Cour de cassation – Pourvoi n° 23-15.944. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation juge que :

 

– Le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation,
– Le seul constat du manquement de l’employeur en ce qu’il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation.

 

 

2) Arrêt 4 septembre 2024 – Cour de cassation – Pourvoi n° 22-16.129. Dans cet arrêt, la Cour de cassation juge que le seul constat que l’employeur a manqué à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité ouvre droit à réparation.

 

En somme, ces trois arrêts, publiés au Bulletin, clarifient la portée du droit à réparation, consécutivement aux manquements de l’employeur transgressant des droits protégés du salarié.

 

Les juges du fond ferment la voie du rappel de salaire, pour éviter un « double paiement », la Cour de cassation rejette également le rappel de salaire, mais au nom de la responsabilité civile contractuelle.

 

La Cour de cassation considère en effet que, en application de la responsabilité civile contractuelle (c. civ. art. 1231-1), « l’exécution d’une prestation de travail pour le compte de l’employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie, d’accident ou d’un congé de maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par l’allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi. » En d’autres termes, il n’y a pas d’autre voie que la réparation.

 

Par conséquent, lorsque, comme dans cette affaire, une salariée a dû travailler pendant les périodes de suspension du contrat de travail alors qu’elle était en arrêt maladie ou en congé de maternité, l’intéressée ne peut pas prétendre à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées. Elle ne peut que réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

 

Cette solution est logique, car, ainsi que le relève l’avocate générale dans son avis, admettre le versement d’un rappel salaire serait revenu à régulariser une situation qui n’est pas conforme aux prescriptions légales et qui peut d’ailleurs être constitutive, s’agissant du travail pendant le congé de maternité, d’une infraction pénale. Et d’ajouter que les dommages et intérêts « peuvent fort bien excéder le montant des salaires qui auraient normalement été dus si le contrat de travail n’avait pas été suspendu » (avis, p. 7).

 

Au travers de cette évolution notable de la jurisprudence, de nouveaux manquements ouvrent droit à réparation automatique. Ce qui signe l’abandon progressif du principe aux termes duquel il appartient au salarié demandant réparation du préjudice causé par un manquement d’en rapporter la preuve.

 

Ainsi donc, lorsque notamment les droits fondamentaux du salarié sont méconnus, il y a nécessairement un préjudice impliquant, de fait, réparation. D’où la dispense, au profit du salarié, de prouver l’existence d’un préjudice.

 

Cass. soc., 4 sept. 2024, n°22-16.129
Cass. soc., 2 oct. 2024, n° 23-11.582

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