S’agissant de harcèlement moral, rappelons tout d’abord que l’article L. 1152-1 du Code du travail le définit ainsi : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Par ailleurs, l’article L. 1154-1 fait peser la charge de la preuve sur la partie défenderesse en disposant « (….) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (…) ».
Il s’agit donc pour l’employeur de justifier de l’exercice normal de son pouvoir de direction, d’organisation ou disciplinaire afin que les décisions qu’il prend envers un ou plusieurs salariés ne puissent pas être qualifiées de harcèlement.
Pour cela il doit démontrer que ses décisions, qu’elles soient individuelles ou collectives, sont objectives, proportionnées au but recherché et prises dans l’intérêt de l’entreprise ou en cohérence avec son projet.
Dans l’affaire objet de la présente décision de Chambre sociale, le Conseil des prud’hommes et la Cour d’Appel de Paris ont constaté que la salariée avait subi des faits précis pouvant laisser présumer un harcèlement moral car non justifiés par l’employeur (augmentation de la charge de travail, sanction non justifiée, refus de congés payés…). En revanche, n’ayant pas constaté de dégradation de ses conditions de travail ou d’altération de son état de santé, les deux juridictions du fond n’avaient pas qualifié la situation de harcèlement moral, faisant de ce fait de la dégradation effective des conditions de travail ou de l’état de santé une condition indispensable à la reconnaissance de cette qualification.
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette position : « En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’avertissement du 8 septembre 2015 était injustifié et que l’employeur ne fournissait aucune explication sur l’absence de sollicitation de la salariée quant à la fixation de ses congés en 2016, ce dont il résultait que l’employeur ne prouvait pas que ces deux agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la Cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ».
Disposant de la même définition du harcèlement moral en droit pénal et en droit du travail (art 222-33-2 du code pénal et art L.1152-1 du code du travail), la Chambre sociale aligne logiquement sa jurisprudence sur celle de la Chambre criminelle qui a déjà jugé que « la simple possibilité de cette dégradation [de l’état de santé ou des conditions de travail] suffit à consommer le délit de harcèlement moral ». (Cass. crim. 6 déc. 2011, n°10-82.266 – Cass. crim. 14 janv. 2014, n°11-81.362).
Cependant, il convient de préciser que si la condition de dégradation effective des conditions de travail ou de l’état de santé n’est plus indispensable pour la qualification des faits, elle le reste dans l’appréciation du préjudice subi par le salarié et donc dans la détermination du montant des dommages et intérêts.