Alors que se profile la fin du confinement et le retour à son poste de travail pour certains salariés et la poursuite de l’activité pour d’autres, de nombreuses interrogations se posent sur l’organisation du travail à mettre en œuvre pour concilier la protection de la santé et de la sécurité des salariés avec la poursuite de l’activité de l’entreprise.
1°/ Un salarié infecté par le coronavirus peut-il le faire reconnaître en accident du travail ou en maladie professionnelle ?
La question se posera très certainement devant les Tribunaux, notamment dans les cas les plus graves, où le salarié décède ou garde de graves séquelles de la maladie.
En toute hypothèse, accident du travail ou maladie professionnelle, l’enjeu sera de déterminer si la maladie a été contractée sur le lieu de travail et/ou à l’occasion du travail, ce qui permettrait au salarié ou à ses ayant-droits d’obtenir, en cas de reconnaissance, une rente accident du travail/maladie professionnelle versée par la Caisse de sécurité sociale, mais également, en cas de faute inexcusable de l’employeur, l’indemnisation des préjudices non couverts par cette rente (préjudice moral, préjudice d’agrément, déficit temporaire partiel, etc).
Autrement dit, l’employeur risque d’être sanctionné pour ne pas avoir mis en œuvre les mesures suffisantes de protection de la santé des salariés en cette période exceptionnelle où les mesures de protection doivent être renforcées.
La difficulté pour le salarié sera de rapporter la preuve de l’origine professionnelle de la contamination, puisque le virus est largement répandu, et peut être contracté dans la vie personnelle, dans les transports…
Dans la situation actuelle, il est possible de déterminer certaines activités comme plus à risques, et pouvant bénéficier d’une prise en charge au titre des accidents du travail du fait d’une présomption d’imputabilité, comme le personnel soignant, les livreurs et les hôtes de caisse.
Sur cette question encore, la jurisprudence est à construire.
2°/ L’employeur peut-il éviter une prise en charge de législation professionnelle ?
ÊTRE ATTENTIF LORS DES DEMANDES DE PRISE EN CHARGE POUR VOS SALARIÉS |
Vous devez alors être particulièrement attentif pour éviter une prise en charge injustifiée, et une éventuelle hausse de vos cotisations accident du Travail.
Lors de l’établissement de la déclaration d’accident du travail ou de la demande de questionnaire sur la maladie professionnelle, faites-en sorte que la déclaration ne laisse pas à penser que la contamination provient du lieu de travail, si celle-ci a pu se faire ailleurs qu’au travail (milieu familial, supermarché …).
Il sera donc essentiel d’émettre des réserves à la fois sur le lieu de la contamination et le moment où elle s’est produite, en mettant en avant une probable contamination hors cadre professionnel, et de ne pas confirmer les dires de votre salarié s’il indique le contraire.
Le salarié dont la maladie professionnelle serait reconnue malgré vos réserves :
- sera indemnisé de façon forfaitaire par l’Assurance Maladie sans qu’il ait à démontrer votre faute (cette circonstance peut entraîner une hausse de vos cotisations Accident du Travail) ;
- pourra solliciter de vous une indemnisation complémentaire s’il établit l’existence d’une “faute inexcusable” commise par vous ou une personne de la direction de votre entreprise.
Pour ce faire, le salarié doit faire la preuve de deux conditions :
- que vous l’avez exposé à un danger dont vous aviez nécessairement conscience (condition a priori remplie d’office dans le contexte de risque de contamination au Covid-19) ;
- et que vous n’avez rien entrepris ou pas suffisamment entrepris pour y remédier (condition qui dépend des mesures que vous avez prises pour préserver au mieux vos salarié(e)s du Covid-19).
3°/ Quelles conséquences peut entraîner la prise en charge de l’infection en AT/MP ?
Une décision de prise en charge de l’accident du travail ou de la demande de maladie professionnelle aura pour effet d’impacter votre taux de cotisations AT de l’établissement concerné. Se pose également la question de la responsabilité civile et pénale de l’employeur.
4°/ La responsabilité de l’employeur pourrait-elle être engagée en cas de reconnaissance du caractère professionnel de l’infection en lien avec le covid-19 ?
Sur le plan civil (faute inexcusable) : le gouvernement vient d’annoncer qu’il allait reconnaître systématiquement le caractère professionnel de la contamination pour les professionnels de santé, mais il ne s’est pas prononcé pour l’heure en ce qui concerne les autres catégories professionnelles et notamment celles jugées indispensables à l’économie. En l’état actuel des textes, la reconnaissance de la faute inexcusable implique la démonstration par le salarié de la réunion de 2 conditions cumulatives, à savoir :
- la conscience par l’employeur du danger qu’il fait courir à ses salariés ;
- et l’absence de mesures prises pour les en préserver.
Or, compte tenu de l’ensemble des informations à disposition, la 1ère condition sera remplie.
La seconde condition dépendra des mesures prises par l’employeur. En effet, en l’absence de toute action de prévention, ou d’insuffisance de telles actions, la faute inexcusable de l’employeur risquera fort d’être retenue.
Sur le plan pénal : la responsabilité pénale de l’employeur suppose la violation délibérée d’une obligation de sécurité prévue par un texte et un lien de causalité entre cette violation et la contamination. Néanmoins, l’employeur qui ne peut mettre en télétravail ses salariés mais qui met à leur disposition des moyens de protection tels que savons, gel hydro alcoolique et tout autre moyen recommandé par les pouvoirs publics, les informe régulièrement et de façon actualisée sur la prévention des risques de contamination (rappel des gestes barrière et de distanciation) en adaptant leur formation à la situation de l’entreprise et à la nature des postes occupés (fiches métier disponibles sur le site du Ministère du travail) ne devrait pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, encourir de sanction pénale.
5°/ Quelles mesures prendre pour limiter le risque de voir sa responsabilité d’employeur engagée ?
Dans le cadre du Covid-19, les mesures nécessaires sont celles préconisées par le Gouvernement, en particulier les mesures prises pour respecter les gestes barrière et les règles de distanciation.
L’obligation de moyen renforcée selon la jurisprudence
L’obligation de l’employeur est une obligation de moyen renforcée. L’employeur peut donc s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il a mis en œuvre les mesures de prévention.
Il incombe à l’employeur dans la situation actuelle de :
- recenser toutes les situations de travail à risque et, face à chaque situation à risque, énumérer les mesures prises (ou à prendre) pour limiter voire supprimer le risque ;
- associer les représentants du personnel à ce travail ;
- solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
- informer expressément vos salariés des risques identifiés et des mesures que vous avez prises en relation avec chaque risque (par mails, par affichage…) ;
- mettre à jour votre “Document unique” notamment en intégrant les mesures de précaution émises par le gouvernement en collaboration avec le médecin du travail et le CSE (Comité Social Économique) ;
- prendre des photos et conserver les documents étayant chaque mesure prise pour établir et réserver a posteriori la preuve que vous avez bien mis en œuvre des moyens de protection comme par exemples :
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- plexiglas aux caisses,
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- port de gants,
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- circuit de déplacement dans les labos et magasins,
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- filtrage des entrées,
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- mise au chômage partiel des personnels “non indispensables”,
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- recommandations “Zéro contact” à moins d’un mètre dans votre entreprise,
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- organisation du télétravail lorsque c’est possible …
Pour information, retrouvez les fiches conseils par métiers et par secteurs d’activités ainsi que qu’un guide de préconisations de sécurité sanitaire édités par le ministère du Travail pour vous aider dans la mise en œuvre des mesures de protection contre le COVID-19 sur les lieux de travail.
Pour conclure : afin d’éviter d’engager votre responsabilité civile et pénale, assurez-vous que toutes les consignes et recommandations préconisées par le Gouvernement soient bien mises en place dans l’entreprise et veillez également à faire respecter ces consignes à vos salariés.
Conseil : N’hésitez pas à nous contacter en cas de déclaration d’accident du travail ou de demande de maladie professionnelle. Nous pouvons vous accompagner dans le traitement de ces dossiers. |