Pour rappel, l’Assemblée nationale a adopté mercredi 15 octobre 2025 le projet de loi « portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social ».
Ce texte, issu, dans sa dernière mouture, d’une commission mixte paritaire (CMP) du 8 juillet 2025, avait déjà été adopté par le Sénat le 10 juillet. Mais il manquait le vote de l’Assemblée nationale pour qu’il soit définitivement adopté et ensuite publié.
La plupart des mesures sont entrées en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, soit le 26 octobre 2025. Pour certaines mesures, il faudra attendre un décret d’application pour qu’elles s’imposent ; pour d’autres, la mise en œuvre est reportée à une date ultérieure.
Ce texte a pour objet la transposition législative des trois ANI (accord nationaux interprofessionnels) :
✓ séniors
✓ dialogue social
✓ transitions et reconversions professionnelles.
Le seul changement apporté par rapport au texte de la CMP en date du 8 juillet 2025 concerne le pilotage des fonds pour le financement du projet de transition professionnelle (PTP).
1 – ANI sur l’emploi des séniors
a) L’emploi des séniors
La loi transcrit l’accord (ANI) du 14 novembre 2024 pour les mesures qui relèvent du niveau législatif.
L’emploi des séniors devient un objet de négociation collective obligatoire à part entière.
La loi renforce tout d’abord le dialogue social dans les branches et les entreprises sur l’emploi des séniors, avec l’obligation de négocier au moins une fois tous les 4 ans dans les branches professionnelles et, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, d’une manière distincte des autres négociations.
Les négociations devront porter obligatoirement sur le recrutement, le maintien dans l’emploi, l’aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs et des compétences, ainsi que sur l’amélioration de leurs conditions de travail. D’autres thèmes pourront être négociés de manière facultative, par exemple les modalités de management du personnel.
A défaut d’accord de méthode, application du régime légal supplétif avec une périodicité de négociation tous les 3 ans.
Pour les entreprises de moins de 300 salariés : possibilité de conclure un accord collectif ou, à défaut d’accord, de mettre en place un plan d’action type défini par la branche au moyen d’un document unilatéral de l’employeur.
b) L’expérimentation d’un CDI séniors
Un nouveau contrat de valorisation de l’expérience (CVE) sera expérimenté pendant 5 ans suivant la promulgation de la loi afin de favoriser le recrutement des séniors. Ce contrat, à durée indéterminée, sera ouvert aux demandeurs d’emploi inscrits à France Travail d’au moins 60 ans, ou dès 57 ans si un accord de branche le prévoit. La mise à la retraite ne pourra être envisagée que lorsque le salarié a atteint l’âge d’un départ à taux plein. L’employeur sera exonéré temporairement de la contribution patronale spécifique de 30% sur l’indemnité de mise à la retraite (durant 3 ans suivant la publication de la loi).
Un employeur ne pourra pas recruter en CVE un salarié ayant travaillé dans l’entreprise ou une entreprise du même groupe pendant les 6 derniers mois.
Toute rupture du CVE qui interviendra avant que le salarié ne puisse bénéficier d’une retraite à taux plein, ou sans respecter les conditions de préavis et d’indemnisation imposées constituera un licenciement et non une mise à la retraite, précise le texte.
c) La préparation la deuxième partie de carrière
Plusieurs mesures portent enfin sur les dispositifs d’aménagements de fin de carrière. En particulier :
- Retraite progressive
✓ L’article 5 renforce l’encadrement des motifs de refus de l’employeur saisi d’une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit pour un « forfait jours » dans le cadre de la retraite progressive en précisant que la justification apportée par l’employeur pour motiver son refus doit tenir compte, notamment, de l’impact du passage à temps partiel ou à temps réduit sur la continuité d’activité de l’entreprise ou du service concerné et des tensions de recrutement sur le poste concerné.
✓ À noter : un décret du 15 juillet 2025 a transposé la mesure de l’ANI visant à abaisser à 60 ans l’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive.
- Temps partiel de fin de carrière
✓ L’article 6 vise à donner une base légale à la possibilité de négocier un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (ou, à défaut, un accord de branche) prévoyant les modalités d’affectation de l’indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération en cas de réduction de la durée du travail du salarié (passage à temps partiel ou à temps réduit pour un « forfait jours »).
Un accord pourra ainsi prévoir la possibilité de verser de manière anticipée de tout ou partie de l’indemnité de départ à la retraite en cas de passage à temps partiel ou à temps réduit.
- Mise à la retraite
✓ L’article 7 prévoit de clarifier le cadre juridique en précisant que les dispositions sur la mise à la retraite peuvent bien être appliquées pour le recrutement d’un salarié qui a déjà atteint l’âge de la retraite à taux plein (soit pour des salariés embauchés à 67 ans et plus).
2 – ANI sur les parcours syndicaux
La loi transpose l’article 2 de l’ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’évolution du dialogue social, en supprimant dans le Code du travail la limite de 3 mandats successifs pour les élus du personnel au comité social et économique (CSE) d’au moins 50 salariés.
La possibilité dérogatoire de désigner un délégué syndical (DS) parmi les anciens élus du CSE est assouplie. Le choix du syndicat n’est plus cantonné aux anciens élus ne pouvant plus se présenter aux élections du fait de la limitation du nombre de mandats. Il est élargi à tous ses anciens élus.
3 – Assurance chômage
a) Une condition spécifique d’affiliation à l’assurance chômage pour les primo-entrants
L’article 9 permet aux partenaires sociaux de prévoir dans la réglementation d’assurance chômage des conditions d’affiliation plus favorables pour les demandeurs d’emploi n’ayant pas perçu une indemnité d’assurance chômage pendant une période donnée : « primo-entrants ».
Cette mesure, présente dans la convention relative à l’assurance chômage du 15 novembre 2024 conclue dans le même contexte que l’accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des travailleurs expérimentés, avait été exclue de l’agrément du 19 décembre 2024 car elle était dépourvue de base légale. En effet, cette convention prévoit une condition spécifique d’affiliation à l’assurance chômage pour les primo-entrants, définis comme les salariés privés d’emploi ne justifiant pas d’une admission au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi dans les vingt années précédant leur inscription comme demandeur d’emploi.
Cette mesure réduit à 5 mois au lieu de 6, la durée d’affiliation pour les primo-entrants. Cette catégorie, constituée en majorité de jeunes et de personnes non ou peu diplômées, rencontre le plus de difficultés en matière d’insertion sur le marché du travail.
b) Bonus-malus
La loi transpose également un avenant relatif au bonus-malus, suite à l’engagement des négociateurs de revoir certains paramètres techniques (avenant n°2 du 27 mai 2025).
Le bonus-malus est un dispositif qui module la contribution à l’assurance chômage des entreprises d’un périmètre défini, à la hausse ou à la baisse, en fonction de leur taux de séparation (rupture/fin du contrat de travail). L’objectif est de lutter contre la précarité, notamment contre les contrats courts.
A l’horizon de mars 2026, les modalités de calcul du bonus-malus vont pouvoir évoluer en excluant du calcul les ruptures pour inaptitude non professionnelle ainsi que les licenciements pour faute grave ou lourde.
LOI n° 2025-989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, publiée au JO du 25 octobre.